Les troupes d’occupation :
Les premiers Allemands sont arrivé à Guissény le 20 juin 1940, soit le lendemain de la prise de Brest. Il s’agissait d’éléments du 5ème régiment de la 2ème Division d’Infanterie motorisée. De nombreux immeubles sont réquisitionnés dont le patronage de l’abbé Cadiou et une salle chez Mme Veuve Cadiou pour servir de messe aux sous-officiers.
Suivant les périodes, les occupants pouvaient correspondre à une compagnie de 200 à 300 hommes. La densité des troupes cantonnées dans la zone côtière croît en fonction de l’avancement des travaux de construction du Mur de l’Atlantique, à partir de 1942.
Il y avait un poste de surveillance côtière à Guissény, Grenzaufsichsstelle, en abrégé GAST, avec un chef de poste et douze hommes, armés d’une mitrailleuse Lewis, de 13 fusils et de vingt grenades. Ils se sont installés d’abord dans la maison Cochard, puis dans la maison Tanguy-Audrézet au Bourg, le 10 octobre1942.
La 251è Division d’Infanterie arrive dans le nord du département à partir du 2 juillet 1940 pour relever les troupes d’occupation. La 8ème Compagnie du 451ème Régiment de la Division (unité 32 720E) cantonne à Guissény jusqu’à la fin janvier 1941 à l’école du Sacré-Cœur, puis elle part pour Beuzec-Conq. La mairie avait reçu une réquisition pour 400 draps et 400 couvertures.
La 251ème Division quitte le département fin avril 1941, relevée par la 211ème Division, puis la 335ème Division (de décembre 1941 à novembre 1942). La 6ème Compagnie du 682ème Régiment de la Division (unité 03 717D) est à Guissény du 1er juin au 22 juillet 1942.
La 257ème Division d’Infanterie, engagée sur le front de l’Est, est au repos dans le Finistère de septembre à novembre 1942. La 5ème Compagnie du Régiment 457 (unité 34 995B) cantonne à Guissény du 15 décembre 1942 au 23 juin 1944, l’autre partie se trouvant à Kerlouan. Cette unité a réquisitionné la salle de noce (50m²) de Mme Bramoullé au Curnic. La 4ème Compagnie (unité 27 591E) est en mai 1944 à Lavengat. Un détachement se trouve à Kernouës.
En se repliant sur Brest, les Allemands ont tué deux civils à Guissény le 8 août 1944 (François Abiven à Kerbrézant, Joséphine Ségalen à Rosicou) et un autre Guisséniens, François-Marie Prigent de Kergoniou, le 9 août à Boteden.
Guissény est libéré des Allemands le 10 août 1944.
(cf. Alain FLOCH, L’occupation allemande dans les 162 communes du Nord Finistère).
Le Mur de l’Atlantique :
Dans le cadre de la construction du Mur de l’Atlantique, destiné à protéger tout le littoral des conquêtes allemandes des attaques éventuelles des Alliés, les Allemands construisent à Guissény un ensemble fortifié à la pointe de Beg-ar-Skeiz. Cet ensemble se compose de plusieurs éléments :
. un abri de troupe H 702, non achevé, dont l’entrée porte encore la trace de la peinture de camouflage de couleur ocre. La porte blindée de la chambre de troupe ainsi que celle de la sortie de secours n’ont jamais été installée. L’emplacement du central téléphonique est toujours visible.
. un encuvement pour un canon de 50mm à l’extrémité de la pointe et dirigé vers le large.
. trois postes d’observation de type Tobrouk (n° 1, n° 2 et n° 3), placés autour de l’abri dans les trois directions de l’ouest, du sud et de l’est.
Du côté Ouest, dominant la baie du Vougot, se trouvait la station radar et la batterie de Kérisoc, occupée par une garnison de 150 hommes ; et du côté Est, le corps de garde du Dibennou était équipé d’une mitrailleuse, poste servi par 6 hommes.
Au début de l’occupation, les troupes allemandes se rassemblent sur les plages du Curnic et du Vougot. Avec armes et paquetage sur le dos, ils avancent dans l’eau jusqu’à hauteur de la taille : ils préparaient alors un débarquement en Angleterre, projet abandonné par la suite. Les missions de surveillance du littoral mobilisent une grande partie des effectifs : des patrouilles sont effectuées de jour comme de nuit, à pied avec des chiens, à bicyclette, à cheval…
Des tirs d’exercice d’artillerie lourde (105 – 155 mm) se déroulent périodiquement en direction du large.
Les plages, comme celle du Vougot, sont truffées d’obstacles : les « Katymines », trépieds surmontés de mines. Dans les dunes, sont plantées les « asperges de Rommel », pieux élagués de 2 à 3 m, placés à intervalles réguliers et reliés entre eux par des fils de fer barbelés. Des fossés anti-chars en V sont également creusés.
Témoignage : la construction des blockhaus de Beg-ar-Skeiz.
Joseph GAC de Kerhornaouen à Guissény se souvient de la construction de ces ouvrages bétonnés :
« Nous étions réquisitionnés pour construire ces installations défensives le long de la côte. Les Allemands nous avaient ordonné de camoufler la soute de touffes de végétaux en bordure des dunes. A quelques mètres de l’abri se trouvaient les Tobrouks pour mitrailleuses, l’un mobile et l’autre fixe. L’idée d’un débarquement sur nos côtes hantait les Allemands à tel point qu’ils avaient même installé des fusils-mitrailleurs à Kerhornaouen, lieu stratégique pour surveiller la mer. Certaines maisons avaient été réquisitionnées, elles étaient occupées non seulement par les Allemands mais aussi par les « Russes blancs » qu inspiraient la méfiance parmi les nombreux habitants du hameau ».
Il faut signaler que ces Russes étaient issus des troupes du général Vlassov, déçu par Staline et le régime soviétique. Fait prisonnier par les Allemands en juillet 1942, Vlassov usa de ruse auprès d’eux en proposant de combattre à leurs côtés. Mais Hitler n’eut jamais beaucoup d’égards envers ces combattants qui formaient l’ « Armée russe de libération », les considérant comme des sous-hommes. Beaucoup de « Russes blancs » portant l’uniforme allemand se retrouvèrent pour la plupart en première ligne lors des offensives sur le Conquet, constituant un bouclier humain pour les troupes allemandes. Certains d’entre eux préférèrent se ranger du côté des Alliés à l’aube des opérations militaires menées sur Brest.